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Traumatisme, psychotrauma et SPT

Traumatisme, psychotrauma et SPT : quelle est leur définition, quelles sont les évolutions possibles, et comment effectuer un diagnostic pour repérer un SPT ?

1. Traumatisme, psychotrauma et SPT (Stress Post-Traumatique) : définitions et neurophysiopathologie

L’événement traumatique est souvent brutal, et toujours imprévisible. Il menace la vie, l’intégrité physique ou psychique de la personne.

Normalement, en cas d’adversité extrême, avant toute réflexion se déclenche une réaction instinctive de «première  ligne ». Celle-ci vise à préparer la personne à combattre ce qui survient, ou à fuir. Cette réaction mobilise LA TOTALITÉ des forces de la personne (décharge du système nerveux sympathique – adrénaline,…- et cortico-surrénalien). Elle ne peut durer : si elle durait, elle entraînerait la mort. C’est la réflexion (qui prend en compte non seulement ce qui est perçu dans l’instant, mais aussi expériences passées et connaissances) qui arrête la mobilisation de première ligne. La réflexion permet l’action.

Traumatisme

Le traumatisme, par définition, est de l’ordre de l’impensable. S’il survient, la réflexion est impossible. La survie impose alors un autre mécanisme naturel de sauvegarde : la DISSOCIATION. C’est un phénomène par lequel la personne se coupe de son ressenti. Elle se coupe de ses sensations, de ses émotions, de ses sentiments. D’où des comportements parfois contraires à sa sauvegarde. Les perceptions correspondant à ce que serait le ressenti du traumatisme, au lieu d’entrer dans la mémoire autobiographique de la personne, sont stockées dans sa MÉMOIRE TRAUMATIQUE : on parle alors de psychotrauma. C’est l’ensemble du fonctionnement psychique qui est impacté.

Cette dissociation, inconsciente, peut se limiter à certaines situations, ou opérer de façon permanente. Les percepts du traumatisme sont alors confinés dans la mémoire traumatique, à laquelle le sujet n’a pas un accès sous le contrôle de sa volonté, comme l’est son accès à sa mémoire autobiographique. Quand tout se passe bien, cette permutation dure tout au plus quelques mois. Au pire, soit elle devient permanente (psychose ?), soit elle est recherchée par la personne comme étant le seul mode d’existence supportable, la conduisant alors à des passages à l’acte destructeurs (addictions, délinquances, prostitutions, violences interpersonnelles).

Tant que la mémoire traumatique est pleine, la personne est soumise à la réactivation souvent imprévisible des percepts et des émotions pénibles à dissécantes qu’elle contient. On parle d’ouverture de la mémoire traumatique. Une grande partie de l’énergie psychique de la personne se trouve alors employée à éviter cette ouverture.

Le psychotrauma peut survenir lors d’un événement qui concerne directement la personne, ou dont elle est simple témoin. Par définition, il se produit quand l’événement traumatique induit une effraction psychique consécutive à la confrontation au réel de la mort. Face à l’indicible, à l’inintelligible, à l’impensable, la personne éprouve un vécu de détresse, d’impuissance, d’agonie psychique. Aucune symbolisation n’est possible. Elle est tuée psychiquement. Ses mécanismes de défense s’effondrent, et l’image du monde sur laquelle sont fondées ses croyances de base est détruite. La peur et l’impuissance qui surviennent sont sources de culpabilité.

La personne vit une altération du sentiment d’appartenance au monde des vivants ou de ceux qui ne peuvent comprendre, parce qu’ils n’ont rien vécu de tel : quand les troubles qui en résultent durent plus de 3 mois, le terme consacré est celui de Stress Post Traumatique. Comme le mot de stress désigne l’ensemble des réponses d’un être soumis à des contraintes dans son environnement, le stress appartient donc à l’ensemble des états physiologiques. Pour cette raison, le terme de Stress Post Traumatique (SPT) est assez inapproprié, puisqu’il désigne une situation non physiologique, dans laquelle les capacités de la personne à s’adapter à ces contraintes sont dépassées.

Cette notion de dépassement pose la question de savoir si un abîme ne s’est pas creusé entre d’une part, la possibilité de relations familiales et traditionnelles vraiment accueillantes de chacun, et un contexte sociétal où la violence augmente (cours de récréation, accessibilité de la pornographie,…) – contraste face auquel une éducation à la violence sans endurcissement deviendrait nécessaire, faute de quoi la bienveillance exclusivement connue jusque-là fragiliserait les personnes face à un environnement inévitablement violent.

De nos jours et déjà avant la pandémie de Covid, 10% de la population occidentale vit en état de Stress Post Traumatique – et le nord Charente n’échappe malheureusement pas à ce fléau.

2. Quelles sont les différentes évolutions possibles ?

Plus le trauma survient tôt dans la vie (in utero), plus est proche de la victime l’auteur.e de la violence, plus les chances que les évènements de la vie permettent le rétablissement sont faibles. 

  • Au mieux : le retour à l’état antérieur au traumatisme survient avant 3 mois. La personne est guérie !
  • Au pire, aucune amélioration ne survient. L’équilibre psychologique de la personne, rompu, impose un accompagnement psy.
  • Dans certains cas, la vie n’est plus supportable que dissocié.e (délinquance, prostitution, addictions mortifères). 
  • Le plus souvent, le Stress Post Traumatique porte un masque familier : difficultés d’apprentissage, d’insertion, de couple, dépressions au long cours et suicides, maladies mentales ou du corps, addictions socialisables (tabac, écrans, sexe,…), violences familiales, handicap, précarité,… Le fonctionnement du cerveau est impacté dans son ensemble, mais c’est souvent à l’insu de la personne qui ne réalise pas le changement, et se résigne à ce qu’il en soit ainsi. À la différence des blessures névrotiques, un éveil de conscience ne suffit pas à guérir un SPT.

3. Repérer un SPT : diagnostic

Nous trouvons le contact avec l’autre d‘autant plus facile et agréable qu’une communication émotionnelle s’établit avec lui : nous sentons son humeur, la sincérité de ses propos. Cela permet l’empathie, c’est-à-dire de se sentir concerné.e par ce que cette personne éprouve.  Si vous êtes confronté.e à une personne que vous “ne sentez pas”, qui vous paraît froide, demandez-vous si vous n’avez pas en face de vous une personne en SPT : coupée de ses propres ressentis, une telle personne ne peut pas susciter autant d’empathie qu’une autre. Il est nécessaire d’être en contact avec ses propres ressentis pour jouir de communication émotionnelle avec autrui. Le SPT l’empêche.

Au cours d’un échange dans votre cadre professionnel, quels éléments de la vie intérieure font suspecter un état de Stress Post Traumatique ?

Tous les états intermédiaires sont possibles entre un SPT guéri et une présentation pseudo-psychotique, expliquant la diversité des présentations du SPT. Mais tous associent :

  • d’incontrôlables moments d’ouverture de la mémoire traumatique (ruminations, cauchemars, flashbacks, réactions disproportionnées… jusqu’aux épisodes pseudo-délirants : l’ouverture massive de la mémoire traumatique plonge la personne dans la situation du trauma, ce qui la sort de la réalité présente et lui donne à vivre un ressenti insoutenable). La perception d’un élément rappelant le trauma peut être inconsciente, conduisant la personne à ne plus se reconnaître, au sentiment de perdre son propre contrôle, à l’auto-dépréciation, au sentiment d’avenir bouché, d’étrangeté à soi-même;
  • une hypervigilance visant à empêcher l’ouverture de la mémoire traumatique (qui-vive, insomnies, sursauts,…)
  • un évitement de toutes les situations susceptibles de l’ouvrir (volonté d’oubli, impossibilité de se rendre dans des lieux, de rencontrer certaines personnes,… jusqu’à la claustration volontaire) et des conduites dissociatives – qui sont des formes d’évitement interne – pour ne pas se connecter aux instances psychiques détentrices des percepts traumatiques (amnésie, respiration thoracique anti-physiologique, difficultés d’attention et de concentration, étrangeté aux autres,… déni de l’urgence écologique ?).
Traumatisme : le mécanisme des cauchemars

4. Pourquoi la collectivité négligerait-elle ce qui lui coûte si cher ?

Le coût d’un traumatisme et de ces souffrances humaines n’est jamais évalué dans son entièreté.

Par exemple, le coût visible des seules violences au sein des couples est de 3,6 milliards d’euros tous les ans. Ce chiffre n’inclue ni les dépenses liées aux cures de désintoxication, ni celui des tentatives de suicide, de la délinquance, des difficultés d’insertion professionnelle etc. S’ajoutent le coût des viols d’adultes et celui, encore plus impossible à évaluer, des violences sur mineur.es.